14 · LA DISPARITION - Jardinsmusicaux

14 · LA DISPARITION

Me 25.08.21

19:00

LUC BIRRAUX ( 1989* )
La Disparition  ( 2020 )

Photo-roman d’après l’œuvre de Georges Perec ( 1936 – 1982 )
pour récitant, percussionniste, électronique, pianiste et projections photographiques

Réalisation, dramaturgie et mise en scène : Luc Birraux
Composition : Kevin Juillerat
Photographie : Margaux Opinel

Comédien : Michael Comte
électronique : Kevin Juillerat
Piano : Antoine Françoise
Percussion : Julien Mégroz
Régie son et vidéo : Robert Torche

L’aiguillon paraîtra à d’aucuns trop grammatical. Vain soupçon :
contraint par son savant pari à moult combinaisons, allusions, substitutions ou circonvolutions, jamais G.P. n’arracha au banal discours
joyaux plus brillants ni si purs.

Jamais plus fol alibi n’accoucha d’avatars si mirobolants.
Oui, il fallait un grand art,

un art hors du commun, pour fourbir tout
un roman sans ça !
B. Pingaud

 

Anton Voyl mène l’enquête. Il chasse inlassablement l’absence inexplicable de l’élément qui, à l’intérieur même du récit, lui échappe. Le personnage se débat avec son créateur. Son quotidien est une recherche effrénée ; ses hallucinations sont des mythes fondateurs, tels Robinson Crusoé ou Œdipe. La lettre « E » a disparu.

Anton Voyl n’arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s’assit dans son lit, s’appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l’ouvrit, il lut ; mais il n’y saisissait qu’un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification. Il abandonna son roman sur son lit. Il alla à son lavabo ; il mouilla un gant qu’il passa sur son front, sur son cou. Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg. Un carillon, plus lourd qu’un glas, plus sourd qu’un tocsin, plus profond qu’un bourdon, non loin, sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif signalait un chaland qui passait. Sur l’abattant du vasistas, un animal au thorax indigo, à l’aiguillon safran, ni un cafard, ni un charançon, mais plutôt un artisan, s’avançait, traînant un brin d’alfa. Il s’approcha, voulant l’aplatir d’un coup vif, mais l’animal prit son vol, disparaissant dans la nuit avant qu’il ait pu l’assaillir.

Extrait de La Disparition de Georges Perec

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