Triadic Memories
MORTON FELDMAN ( 1926 – 1987 )
Triadic Memories ( 1981 )
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Pierre Sublet, piano
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Morton ( Morty ) Feldman, prématurément disparu, fut une des figures les plus pittoresques du folklore new-yorkais des années 50 – 70. Avec son front d’un pouce, sa corpulence de géant et son accent de Brooklyn très marqué, Morty avait l’air d’un simple d’esprit. Erreur ! Il était fin, rusé, « quelque part » hypersensible, et poète à ses heures. Sa musique lui ressemblait. Morty n’avait jamais souscrit aux idées européennes : il ignorait tout du sérialisme et avait ses marottes à lui. Il fut un peu cagien, faisant partie de la même bande que Cunningham et Earle Brown, Tudor et Wolff, et comme eux, ami des peintres ( Guston, Rothko, Rauschenberg ). Puis il eut une grande phase « pianissimo » : je le vois d’ici demandant à Bernstein, dans un perfide concert que celui-ci consacrait à l’avant-garde pour la torpiller, de jouer « more pianissimo, man ! ». Enfin Morty tomba amoureux d’une altiste : il fit alors son chef-d’oeuvre, The Viola in my Life, à l’occasion de quoi il confiait à qui voulait l’entendre : « I’m in love, man ! I even write fortissimo, man ! ». Tel fut Morty. On le pleura sincèrement.
André Boucourechliev